Ahhh, Laurent Kloetzer. L’un des derniers auteurs dont je puisse acheter le livre sur son seul nom, sans me soucier une seconde du sujet, du genre (et donc pas besoin de commettre ce geste sacrilège qu’est la lecture de la 4ème de couv, qui comme d’hab, révèle la moitié du synopsis).
Pour les impies, Laurent Kloetzer est avant tout l’auteur de « Mémoires vagabondes », ouvrage de fantasy basé sur le personnage de Jaël de Kherdan, écrivain bretteur et libertin, dont j’aurai l’occasion de reparler puisqu’on le retrouve récemment, dans le recueil « Petites morts ».
En 2011 paraissait « CLEER, une fantaisie corporate », co-écrit avec son épouse Laure, qui se distinguait des précédents par une écriture plus sophistiquée voire alambiquée (à la Dantec), résolument plus moderne (on se situe dans un futur proche), et s’adressant, à mon sens, à des lecteurs dotés d’une culture assez solide.

Même phénomène ici, « Anamnèse de Lady Star » annonce la couleur dès la couverture : il faut de la culture, beaucoup d’imagination et de concentration pour suivre !

C’est qui, Lady Star ?

Comme pour ses trois derniers ouvrages (depuis l’excellent « Royaume blessé », en fait), Kloetzer écrit sous forme d’une succession de nouvelles pouvant théoriquement se lire séparément.
Les récits, placés à des époques successives mais avec de multiples changements d’époque (parfois d’un paragraphe à l’autre), présente les différentes traces laissées par l’insaisissable Lady Star, personnage sans âge, sans nom, dont l’auteur nous laisse juger qui elle est et ce dont elle est responsable… Notez que je ne l’appelle Lady Star qu’en raison du titre, ce nom n’apparaissant pas dans le texte.

Car la grande question, c’est de bien de retrouver les « responsables » : la toile de fond du roman, c’est une sorte d’apocalypse, l’anéantissement des trois quarts de l’humanité par une bombe/virus de conception humaine. Et Lady Star y est mêlée, mais comment le prouver et comment connaître son rôle quand son existence même ne cesse d’être remise en question ?

Le futur techno-apocalyptique de Lady Star

Le grand oeuvre du couple Kloetzer, outre ce style d’écriture incisif, subtil, parfois cryptique, où chaque mot peut peser autant qu’une phrase, c’est l’immense toile de fond sur laquelle se déroule le récit, sur plusieurs décennies. Sans jamais décrire les évènements où le monde, de façon complètement indirecte, ils brossent un monde vivant de technologies futuristes, nous font comprendre comment l’humanité a survécu, quelles horreurs elle a connues, quels chemins de traverse elle a dû emprunter.
Il faut faire preuve d’imagination et de réflexion pour se représenter ce monde, et avoir une lecture à deux niveaux, le récit d’une part (changeant de point de vue à chaque chapitre/nouvelle), le monde suggéré par les actions et réflexions des protagonistes d’autre part.

Verdict…

Si le résultat est éblouissant, je vous mets en garde : on est plus proche d’une oeuvre expérimentale, fort complexe à appréhender et difficile à suivre, que de l’équivalent littéraire d’un blockbuster avec ses héros, ses scènes épiques. On est ici dans une oeuvre infiniment plus subtile, qui ne se laisse pas dompter par le lecteur.
Je pense d’ailleurs qu’il me faudra une seconde lecture, au minimum, pour mieux saisir toutes les nuances des nouvelles composant l’Anamnèse.
Attention aussi à ne pas vous fier au premier chapitre, nécessaire à la mise en place des suivantes, mais qui n’en a pas la subtilité ou la richesse.

Note :
5/5