La Crypte du pendu, de Ewan Blackshore

Dès les premières pages de la crypte du pendu, il n’était pas possible d’attribuer ce roman à Brussolo. Un des moyens infaillibles pour en être sûr est de traquer les répétitions, le texte de Blackshore en est truffé. Si l’on fait le même exercice avec un roman de Brussolo, c’est beaucoup plus difficile d’en trouver. A la page 15 par exemple de la crypte du pendu, en l’espace de quatre paragraphes, on détecte trois fois le mot  » semblait  » :  » Des signes étranges semblaient être gravés dessus  » ;  » Plus loin, une fontaine à la tête de lion semblait être tarie  » ;  » La station semblait être abandonnée « . Ce genre de répétitions n’aurait pas pu se présenter chez Brussolo qui les élimine systématiquement avant de soumettre son texte à l’appréciation du public.

Il y a enfin quelques naïvetés, des réflexions qui tombent à plat et qui sont impossibles dans un texte de Brussolo. Voici un exemple de comique involontaire rencontré chez Blackshore (p. 143) :  » Cela avait beau être dans une sacristie, il n’en demeurait pas moins qu’ils étaient dans l’enceinte d’un lieu saint « . Effectivement puisque une sacristie est un endroit saint ! N’est-il pas tout aussi vrai que l’eau mouille par exemple ? En matière de  » réflexions  » qui tombent à plat, le lecteur en trouvera un certain nombre, celle que je préfère est la suivante (p. 146) :  » Lui qui se voyait déjà vivre avec la jeune fille… Mon Dieu… Il avait encore bien à apprendre des femmes…  »

Non, il n’était pas possible d’octroyer la paternité du livre à Brussolo. Ceci dit, la crypte du pendu se parcoure sans ennui comme une gentille rédaction. Malheureusement pour l’auteur, il est trop facile de résoudre l’énigme lorsque l’on sait avec quelle insistance un petit garçon est décrit dans les premières pages. Plus loin, la scène du pendu avec son ventre artificiellement gonflé (p. 57) ne laisse alors plus aucun doute au lecteur chevronné de littérature policière.

Le style de Brussolo est concentré, précis, on ne sent pas l’auteur derrière chaque ligne. L’histoire est là vivante. C’est un maître du roman. Blackshore, lui, écrit tambour battant, sans contrôler son flux qui s’abat de temps en temps en lieux communs. La construction du roman est classique et trop facile pour surprendre. Il veut tout donner et verse dans la caricature. C’est sympathique, ironique, plein d’énergie mal contrôlée. Dans un livre de Brussolo c’est tout autre chose, l’auteur dont on connaît les qualités narratives exceptionnelles étonne à chaque page et le lecteur y sera pris comme un clou par une tenaille. Il est un véritable titan de l’écriture populaire, l’un des auteurs marquants qui resteront à l’égal d’un Dumas ou d’un Leroux. Quant à Blackshore, il sera vite oublié.

Page 3 of 3 | Previous page

Leave a comment